ah tu verras, tu verras...
Ma maison est vieille. Enfin pas si vieille que ça si on sait que c’est une maison de la campagne. Pas de campagne, hein, puisque j’y habite, j’ai bien dit : de la campagne. Elle fut ferme autrefois. Un siècle, ce n’est pas si vieux que ça pour une ancienne ferme. Ma maison est-elle belle. Je ne sais. C’est ma maison, elle est ce que j’en ai fait. Je dis je, mais je dois dire nous, en vrai, c’est une affaire de couple, c’est notre maison. Notre maison est une maison de COULEURS. Dehors, nous l’avons enfouie dans des brassées de roses, d’escholtzias, d’iris, d’ancolies, de campanules, de cistes, de verveines. Dedans nous avons ouvert des espaces de parquet blond, nous avons offert du blanc à nos livres. Et du jaune aux murs, du bleu aux portes et aux poutres. Notre maison, nous l’avons modelée à notre goût, nous en avons fait notre poumon.
Parfois, Elle a des idées, voudrait modifier les choses, rajeunir ce qui a vieilli, peindre ou tapisser ce qui n’a jamais été peint ou tapissé, chambouler l’ordonnancement des meubles et des objets, ce sont des idées de femme. Quant à moi je résiste, je voudrais que mon repaire soit un repère, immuable dans son aspect, dans sa chaleur. Une ambiance, ça met du temps à se fabriquer, pourquoi la défaire soudain ? Je tiens à mon décor, que nous quitterons pourtant bien un jour, même s’il est inachevé.
Destination fatale : B O U L E E + 2 jokers