sur la route
Cette route, si je ne l’ai pas faite cent fois, je ne dois pas en être loin. Normal. C’est celle que j’emprunte quand je vais rendre visite à mes parents. Plusieurs fois par an. Je ne la ferais pas les yeux fermés. Non, parce que c’est dangereux. Mais disons que je la connais bien. Alors j’ai tendance à être moins curieux du paysage qu’autrefois et à garder un rythme soutenu. Sauf quand la voie express descend sur Chalon, depuis Montchanin. A un endroit on passe dans une espèce d’étranglement entre deux collines, et soudain on débouche dans le vignoble, un panneau publicitaire l’annonce : « vous êtes dans le vignoble de Bourgogne ». On serait dans une autre région ce serait pareil, j’imagine : l’émerveillement. Pour moi les paysages de vignoble sont les plus beaux du monde. J’aime bien que ce soit moi qui conduise, quand on parvient à cet endroit là, pour le plaisir d’instinctivement lever le pied, se laisser doucement entraîner par la pente, se laisser envahir par les impressions de couleurs, variables selon les saisons, de paix… Le paysage est beau aussi dans l’autre sens, bien sur, mais je trouve l’impression moins prenante. Je ne sais pas si vous comprenez ce que je dis parce que vous n’avez pas le paysage sous les yeux. Et quoi de plus difficile à faire partager que cette impression de plaisir pur. Un jour j’ai essayé d’en parler à mon gendre, qui était à mes côtés : je ne sais pas s’il a VU la même chose que moi, et peu importe. Et comme je sais que certains noms sonnent agréable, j’ai dit : « tu vois, si tu vas derrière ces collines, sur la gauche, tu arrives à Rully, puis à MERCUREY ! ». Assez fier de prononcer le nom de ce village passé dans le langage commun, où je n’ai jamais pris la peine de m’arrêter, pourtant c’est le village natal de ma maman.
Pas de circonstance, tant pis : mot de 6 lettres avec E, A, U, X, dit à l’idée.