exorcisme
Certains mots sont comme des dents de sagesse. La douleur est latente. Et soudain elle éclate elle irradie elle se diffuse partout en soi. Partout.
Certains mots comme des dents de sagesse, il convient de les extirper de crier un bon coup, d’avoir mal, de se blinder la pensée, anesthésie, de laisser la douleur insidieusement envahir les sens, laisser aller, laisser dire, laisser pleurer.
Certains mots, ceux-là, on ne peut pas les dire publiquement. Parce que la douleur c’est personnel ? Non, ce n’est pas ça. Plutôt parce que ces mots de douleur n’ont pas à provoquer d’autres blessures.
Alors que faire.
Ces mots, comme des dents de sagesse, il convient quand même de les extirper.
Mots dits pour soi. Inutile. Ces mots on les connaît depuis longtemps, on les suce comme des pastilles on sait leur amertume, on finit peut-être par s’en délecter, pourquoi pas.
Mots dits écrits criés jetés extirpés. EXORCISME.
Il y a une blessure, un jour. Profonde. Pas définitive, dieu merci. Mais profonde, ça oui. Et lente à cicatriser. Il y a les mots pour décrire cette blessure, ces mots qu’il faut extirper.
Il y a un avant la blessure. Un temps où les mots se posent librement sur le papier. Un temps d’imagination. Une imagination qui s’avère prémonition.
Il y a cette blessure.
Il y a un après la blessure. Un temps de mutisme.
Il y a un après l’après, enfin. Un temps où les boggies des mots écrits reprennent lentement leur scansion rassurante sur les rails de la vie.
Il y a cette blessure qu’il faut décrire précisément, ce bonbon amer qu’il faut recracher une fois pour toutes.
Ecrire les mots difficiles. Se délivrer. Sous forme de lettre alors. Sous forme de mail plutôt, les mots se scandent maintenant avec un clavier. Ecrire le nom d’un destinataire. Ecrire les mots. Ecrire les silences qui vont avec. S’excuser de cette impudeur. Mettre une signature. Enregistrer le contenu du mail dans la boite à mots. Ne pas adresser le mail à son destinataire.
Pas drôle, tout ça. Pardonnez-moi.
Je remets mon masque souriant.
C’est bien peu de chose, et pourtant toujours beaucoup trop : P R O U E S S E +joker